Elizabeth Thompson, puis Lady Butler (1846-1933), Le 28ème Régiment à la bataille de Quatre Bras, 18150616, 1875.


L’École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille manque de bras. Aussi, pour remplacer la remplaçante de la titulaire des cours d’histoire de l’architecture du premier semestre de deuxième année, elle fut contrainte cette année, en dernier recours, de faire appel à un architecte dépressif. En sorte qu’un cours d’histoire de l’architecture du XXème siècle sera assuré par un enseignant retraité qui a principalement vécu au XXème siècle.


En apparence, c’est une bonne idée  : qui, mieux qu’un homme d’un siècle révolu, est susceptible d’en parler  ? Mais la réponse s’ensuit, forcément décevante  : n’importe qui se sortirait mieux que moi de cette affaire  ; n’importe qui ayant principalement vécu après le XXème siècle ; ou avant le XXème siècle, quiconque serait encore parmi nous.


Certainement, un historien des guerres napoléoniennes tuerait père et mère pour être une heure, une heure seulement, aux Quatre-Bras, avec Michel Ney, Maréchal d’Empire, qui commandait les premier et deuxième corps d’armée, le 16 juin 1815. Encore ne voudrait-il entendre ce témoin-clef qu’à la condition de ne rien oublier de tout ce qu’il sait déjà, et que le Maréchal ignore  : les positions respectives de tous les corps d’armées à 15 heures 30  ; l’ordre que Napoléon aurait envoyé à Ney  ; le démenti tardif de Jean-de-Dieu Soult, sur son lit d’agonie, que cet ordre fut envoyé  ; l’issue de la bataille  ; l’effondrement final deux jour plus tard, à Waterloo.


Il est moins certain que le même historien donnerait un zlopeck pour être le lendemain avec Fabrice del Dongo, un héros de Stendhal qui traverse la bataille presque sans rien faire, ni rien comprendre. Dans La Chartreuse de Parme, Fabrice est un jeune noble italien. Il admire Napoléon. Il veut rallier ses troupes. Il se procure le passeport d’un tiers. Il rejoint l’armée à Waterloo. Tous, fourbus, prennent garde aux coups, dans un bataille qui semble gagnée par moments, mais qui tourne au désastre. Fabrice, indécrottable romantique, parfois ivre, plus souvent distrait, erre sous la pluie, dans la boue, parmi les blessés, les vivants et les morts. Il ne survit que par la chance de l’innocent, et par quelques pièces planquées dans son habit. Mais il a tellement peu compris ce qui lui est arrivé que, rétrospectivement, il se demande s’il a vraiment été présent à cette fichue bataille.


Très certainement, comme témoin à la manque de la deuxième moitié du XXème siècle, je suis infiniment plus proche de Fabrice del Dongo que de Michel Ney. Non seulement je ne suis pas certain d’avoir vraiment vécu et travaillé en ce temps-là, mais je m’apparais parfois, à l’improviste, en figurant d’une fiction. Mais rien n’empêche d’essayer…

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