Maître d’ouvrage : OPAC Sud
Maître d’oeuvre : Jean-Pierre Manfredi (mandataire), Stoa, Beterem
Surface : 1 800 m2
Coût de la construction :
Calendrier : 2007-2009
Mission : Mission complète base MOP.

Une fiction structure le projet : « L’origine du bâtiment connu sous son nom d’usage, « la bastide des flamants », est incertaine. Les techniques de construction la font remonter à la fin du dix-neuvième siècle ou au tout début du vingtième, ce qui est confirmé par l’examen du cadastre : le bâtiment n’existe pas en 1894, mais il est attesté en 1913. À notre connaissance, aucun document n’identifie sa destination originelle. Mais trois grands rouets carrés conservés au rez-de-jardin, ainsi que des bacs contenant des traces de phosphore et d’acide stéarique, sont caractéristiques d’une fabrique d’allumettes-bougies. Cette activité traditionnelle de Marseille, qui exportait en Afrique au Nord et en Orient, a été massivement interrompue en 1880, avec le monopole de la Seita. Seuls demeuraient, après cette date, des fabriques semi-clandestines, ce qui expliquerait la rareté des sources documentaires. En 1937, l’immeuble devient une maison de rapport de cinq appartements, mis en location par la famille Van Der Valk jusqu’en 1967. L’immeuble est racheté en 1969 par l’Office Départemental d’Habitations à Loyers Modérés, en vue de la création de la Cité des Flamants, une des opérations « coup de poing » initiées par le Ministre Albin Chalandon. S’il a d’abord été prévu de détruire le bâtiment, il semble que « des associations s’étant émues de la future démolition, le parti pris a été de le transformer en maison de quartier » (O.P.A.C. ISB 25C), sans autre précision dans les minutes du projet conservées à l’OPAC Sud. Le ClQ ne faisant état, dans ses rapports d’activités, ni de leur part, ni de la part d’une autre association, de la moindre « émotion », il n’est pas exclu que ce soit un des architectes de la Cité des Flamants, Delfante (équipe Carro & Delfante, associée à Laville et Jameux au niveau local), qui ait proposé lui-même une réhabilitation. Directeur de la revue Urbanisme, soucieux d’apaiser les tensions entre le mouvement moderne et les territoires existants, Delfante aurait très bien pu initier la conservation. Cette hypothèse permettrait d’interpréter une mention manuscrite, partiellement effacée, mais encore visible sur un tirage du plan de masse de l’opération : « Gardons-la ! » (OPAC ISB 22A). En tout état de cause, c’est avec une habileté remarquable que Delfante a concilié les terrassements considérables que l’opération imposait et l’ancienne desserte de l’immeuble en demi-niveaux, sur rue et sur jardin. Des soutènements en béton et un jeu d’escalier ont permis de maintenir ces dessertes en surplomb du terreplein.
Le bâtiment a été profondément dégradé à la fin des années soixante-dix, avant d’être muré en 1981. Malgré les efforts de l’équipe d’architectes en charge de la première réhabilitation de la cité, (illisible), il est resté en l’état. Architecturalement aucun caractère stylistique affirmé ne permet de le rattacher à une tradition déterminée. La brique utilisée en façade, les pignons rehaussés au-dessus de la toiture, la hauteur et le nombre des étages, l’absence d’ornements, font penser à une architecture industrielle du nord de l’Europe, qui serait antérieure ou immédiatement postérieure au vingtième siècle. En revanche, la composition en trois travées sysmétriques de la façade sud, et le jardin d’agrément qui prolonge le bâtiment, au moins jusqu’en 1923, évoquent un modèle bastidaire. Plus curieusement encore, l’association de ces caractères fait penser à une relecture « postmoderne » de traditions disjointes, relecture pour le moins singulière et anachronique si les dates (1894- 1913) sont fiables. Plus vraisemblablement, il s’agirait d’un projet négocié entre un commanditaire étranger, la famille Van Der Valk, peut-être, et des entrepreneurs locaux, habitués à d’autres techniques. Dans cette hypothèse, la mention d’une « bastide du flamand » dans « Marseille, mon Marseille ! » (Darcelys, 1927) ne serait ni une licence poétique, ni une erreur, mais une référence à la nationalité du propriétaire. Quoi qu’il en soit de l’intérêt architectural et historique du bâtiment sa vocation industrielle ou artisanale, attestée peu de temps après sa date de création probable, n’en fait pas une « bastide » au sens propre, puisque le terme désigne une deuxième résidence périurbaine. La fonction du bâtiment l’écarte d’emblée de « l’inventaire des Bastides Marseillaises » en cours de préparation. »

Le texte, prétendument écrit par un certain Jean-Marc Després, guide la conception d’une « Maison de la Solidarité » qui, de manière crédible, aurait pu préexister à la Cité des Flamants et continuer d’exister avec elle. Incidemment, la fiction résout une petite difficulté architecturale : ne pas faire paraître « petit » un équipement public dominé par les « grands » ensembles. Des étages surdimensionnés lui confèrent une certaine prestance.